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Spartacus : La fin d'une révolte de 3 ans (3/3)

  • Photo du rédacteur: Historiantiqua
    Historiantiqua
  • 9 juil. 2021
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 6 janv. 2022

Depuis le départ de sa révolte à Capoue, Spartacus n’a pas essuyé beaucoup de défaite, seul l’armée dirigée par Crixus a été défaite. La ruse de Spartacus a permis de contrer les attaques des romains pendant presque trois ans alors que ce n’était même pas sa décision de départ de prendre les armes contre la république. Spartacus cherchait seulement la liberté mais beaucoup se sont ralliés à sa cause qui touchait au plus profond autant des esclaves que des hommes libres. Alors pourquoi avec ce si beau parcours face à Rome, Spartacus change-t-il de parcours et préfère faire volteface.


La volteface de Spartacus



Tout à coup Spartacus qui était bien parti dans sa lancer fait volteface, personne ne sait pourquoi, tous les auteurs antiques restent flous sur la décision de Spartacus. Bien sûr, plusieurs hypothèses sont faites par les historiens. Va-t-il marcher sur Rome ? Cela est peu probable ce serait un retour en arrière qui les ferait régresser dans leur progression spectaculaire vers les Alpes. Spartacus fait demi-tour vers le Picenum, il s’engage sur la Via Aemilia et décide de marcher jusqu’à l’Adriatique, on peut penser qu’il décide de passer par là car c’est le foyer de la guerre sociale qui avait sévi avant et il aurait pu trouver des personnes prêtes à entrer dans son armée pour ensuite attaquer Rome. Seulement, les historiens pensent qu’il n’a jamais eu l’intention de venir à Rome. A l’été 72 av.J.-C, c’est Crassus, un des plus riches hommes de la république et qui sera une des trois personnes composant le triumvirat accompagné de Pompée et de Jules César. Il prend donc la tête de l’armée romaine avec une armée de 30 000 hommes qu’il prend de payer à sa propre charge. Crassus s’efforce de rejoindre au plus vite Mummius, un légat, qui est accompagné du reste des troupes, celui-ci n’écoute pas les consignes de Crassus et tente de l’emporter seul ce qu’il ne parvient pas à faire.


« Il envoya son légat Mummius à la tête de deux légions avec ordre de contourner l’ennemi et de le suivre, avec défense de le combattre, ou même d’engager une escarmouche. » Plutarque.

On ne sait pas exactement combien de soldats ont été tués, avec ce nouveau coup d’éclat de l’armée de Spartacus, l’armée romaine s’effondre de plus en plus. Certains romains de l’armée qui était encore en vie on prit la fuite avant la fin de la bataille pour échapper à la mort. Crassus mécontent de la désobéissance de son légat et de ses troupes décide de reprendre une tradition oubliée depuis longtemps pour les punir. Il leur fait faire la punition de la décimation, détaillé par plusieurs auteurs :


« Crassus, après avoir traité durement Mummius, donna d’autres armes aux soldats et leur fit prendre l’engagement de les garder plus fidèlement que les premières. Prenant ensuite les cinq cents d’entre eux qui, se trouvant à la tête des cohortes, avaient donné l’exemple de la fuite, il les partagea en cinquante dizaines et fit mettre à mort dans chacune un homme tiré au sort. Il remit ainsi en vigueur une punition anciennement usitée chez les Romains et tombée en désuétude depuis longtemps. Une honte particulière est attachée à ce genre de mort, et l’exécution, accompagnée de rites sinistres et effrayants, se fait sous les yeux de tous. Crassus, après avoir châtié ses soldats, les mena contre l’ennemi. » Plutarque.

« Il fit décimer son armée entière, et fit égorger environ quatre mille de ses soldats, sans aucun égard pour le nombre. » Appien.

« Le tribun prend un bâton avec lequel il ne fait guère que toucher le condamné, mais après lui tous les hommes de sa légion se mettent à le frapper et lui jeter des pierres. Dans la plupart des cas, l’homme est achevé dans le camp même, et si par hasard il en réchappe, il n’est pas sauvé pour autant. Comment pourrait-il l’être ? Il lui est en effet interdit de rentrer dans sa patrie et aucun membre de sa famille ne se risquerait à lui ouvrir sa porte. Ainsi, quiconque s’est mis dans un tel cas est dès lors un homme fini » Polybe.

La décimation est une mort honteuse, il aurait touché ici entre 3 000 et 4 000 personnes, ce qui signifie environ 10 % de l’armée romaine. Les quatre légions qui étaient dans l’armée furent punies alors que seul deux légions étaient présentes sur le champ de bataille avec leur chef.


Décimation, Eau forte par William Hogarth dans Beaver's Roman Military Punishments, 1725


Spartacus sait que la situation devient très compliquée, tous ces gestes sont scrutés par Crassus et il n’est pas de la même trempe que les autres envoyés avant lui de la part de Rome, il est assez calculateur pour prévoir les coups rusés que met en place Spartacus. Celui-ci finit par être bloqué car il ne peut pas remonter vers le Nord, d’une part parce que l’hiver est déjà bien engagé et d’autre part, Pompée revient par les Alpes et il serait assez malencontreux pour l’armée d’esclaves de se trouver face à ce général et sa grande armée. Il prend donc la route des montagnes de Lucanie pour s’y mettre à l’abri, Crassus profite de la lenteur de certains esclaves pour les attaquer et les 10 000 hommes de Spartacus sont anéantis sans le moindre problème.


Spartacus et son envie de quitter le pays par la mer



Spartacus ne s’installe pas en Lucanie, son but serait de passer en Sicile et être ainsi débarrassé des romains et de leur armée qui les talonne. La Sicile est une île qui a déjà vécu ce genre de révolte d’esclave et le gouverneur de Sicile ne veut pas avoir Spartacus sur ses terres car il ne veut pas de cette troisième révolte d’esclave sur son île. Cependant, il n’a pas assez d’hommes pour leur éviter d’accoster. De l’autre côté il y a Crassus, qui lui non plus ne veut pas de Spartacus sur le sol sicilien car Rome se sert de la Sicile comme réserve de blé et si Spartacus récupérait la réserve de Rome cela serait un véritable problème alimentaire pour toute la république. Quant à Spartacus, c’est le seul choix qu’il voit pour s’en sortir, ils sont arrivés à un point de non-retour, pour traverser il se fait ami avec des pirates siciliens. Ces pirates prennent tous ce que Spartacus est prêt à leur donner pour traverser, mais au moment de la traversé ils partent en laissant la troupe et Spartacus sur la rive. En dernier recours, il trouve une solution pour essayer de passer tout de même par la mer, il fait construire des radeaux mais la mer était trop agitée pour que les radeaux tiennent même pour une si petite traversée.


« N’ayant pas de navires sous la main, ils avaient fabriqué des radeaux avec des poutres et attaché des tonneaux avec des ronces. » Florus, Abrégé d’histoire romaine, III, XX.

« Vaine tentative, étant donné l’extrême rapidité des eaux du détroit » Florus.

Page de BD : Jour J, T23, la république des esclaves, Delcourt.


Ce chef qui a prouvé mainte fois sa ruse sait qu’il n’y a plus aucune solution du côté de la mer, la plupart des ports ont de plus des fortifications impossibles à prendre et qui ne pourront pas leur servir de refuge pour l’hiver. Ses troupes reculent donc jusqu’à la presqu’île de Rhégion et la troupe de Crassus qui les suivent de près les enferme en créant un fossé, des palissades en bois et toute autre chose qui pourrait aider à éviter une fuite en douce dont seul Spartacus a les secrets.


« Ce fut un long et difficile ouvrage. Contre toute attente, il le fit et l’acheva en peu de temps. Il creusa un fossé d’une mer à l’autre à travers l’isthme sur une longueur de trois cents stades et sur quinze pieds de largeur comme de profondeur ; au-dessus de ce fossé il éleva un mur d’une hauteur et d’une solidité étonnantes. » Plutarque.

Spartacus riposte avec des gestes forts pour atteindre le cœur des romains qui n’ont pas envie de mourir face à Spartacus, lui s’étant fait une grande réputation de combattant depuis le début de la révolte. Ils utilisent les prisonniers romains qu’ils ont gardé en vie jusque-là pour les crucifier et les installer devant la ligne des romains. Ce phénomène est en général fait pour les esclaves et Spartacus attend bien que ce geste bouleverse un minimum le moral des troupes pour qu’ils soient de plus en plus dissipés. Crassus commence à avoir une réelle envie d’en finir avec Spartacus car il est un rival de Pompée et comme celui-ci attend simplement l’ordre du sénat pour rentrer en Italie et venir mater la rébellion, Crassus doit agir vite s’il veut les honneurs du sénat pour lui seul. Spartacus, qui se sait en danger veut négocier avec Crassus mais il ne prête même pas attention à ce que lui dit le rebelle, cette entreprise n’a servi absolument à rien. Après cette discussion à sens unique Spartacus trouve un nouveau moyen pour se défaire des romains et prendre le large :


« Spartacus, que Marcus Crassus avait enfermé par un fossé, utilisa les corps de prisonniers et de bestiaux qui avaient été massacrés pour combler ce fossé durant la nuit… » Frontin, Stratagèmes.

Cette nuit-là, environ 30 000 hommes passent la ligne que Crassus avait créée et s’échappent en direction de Brindes. Le seul problème de ce côté c’est qu’une autre armée, celle de Lucullus l’attendait dans l’Adriatique. Spartacus change encore de voie est part donc dans les montagnes de Petelia.


La dernière campagne de Spartacus : Une chute avec honneur



« Ils firent une sortie et trouvèrent une mort digne d’hommes de cœur en combattant sans merci. » Florus.

Ce moment de l’histoire de Spartacus est la plus dure à reconstituer car il manque pour nous contemporain beaucoup de sources pour arriver à retracer les évènements. Cette dernière campagne se déroule entre la fin de l’hiver et le début du printemps 71 av.J.-C. L’armée de Spartacus se divise de nouveau, les gaulois comme les autres fois sont arrogants et assez intrépides, ils partent avec leur chef Cannicius, la bataille face à Crassus est très mal partie et presque au moment où le contingent gaulois est prêt à être tous tuée, Spartacus apparaît avec toutes ses troupes et Crassus préfère se retirer en évitant un affrontement qui ferait beaucoup de morts. Les pertes gauloises sont tout de même assez importantes.


Un dernier affrontement signera la fin de Spartacus et de son immense armée, le temps joue contre eux, lui comme l’autre. Spartacus ne contrôle plus son armée et Crassus lui veut vaincre avant l’arrivée de Pompée. Spartacus récupère avec un discours encourageant la tête de ses troupes et donne l’ordre rapide d’attaquer. Ses efforts sont vains, ils sont fatigués et ne sont plus assez nombreux pour combattre une légion romaine dirigée par Crassus. Spartacus meurt en combattant et le reste de l’armée qui n’a pas été massacré ou emprisonné prend la fuite en le laissant pour mort au milieu des autres cadavres de soldats.


La Mort de spartacus, Hermann Vogel 1888.


Lors de cette ultime bataille environ 60 000 hommes sont tués. Le corps de Spartacus n’a jamais été retrouvé, certains historiens pensent que c’est parce qu’il combattait à pied et qu’il n’avait pas d’ornements pour se rapprocher au maximum de sa cible : Crassus. De plus, personne n’a essayé à ce moment-là de trouver son corps ou alors aucun de ces soldats n’a trahi qui il était pour que les romains ne ramènent pas son corps comme trophée à Rome par exemple. De plus, personne n’allait lui faire d’enterrement, il est donc plus que probable que son corps a été mangé par les corbeaux.

Les esclaves qui n’ont pas fuient et qui ont été emprisonnés par les romains ont eu un sort bien pire que la mort, les 6 000 prisonniers ont été mis sur des croix qui elles-mêmes ont été placées sur les 195 km de la voie royale qui va de Capoue à Rome.


Le passage à la culture populaire



Cette révolte fut la dernière et ne dépasse pas les dimensions locales, cependant cette histoire est passée dans les mémoires notamment dans la culture populaire. Beaucoup de dérivés sont issus de l’histoire de Spartacus, nous avons vu un grand nombre de films sortir dont la première date de 1909 fait par un italien.


Affiche du film


Celui que l’on retient le plus est certainement celui de 1960 réalisé par Stanley Kubrick, c’est la production qui a couté le plus cher à cette époque. Beaucoup d’efforts et de logistique sont faits pour faire ce film qui a une durée de 196 minutes. Cependant, certaines incohérences sont visibles entre le film et les faits tels qu’exposé par les auteurs et les historiens qui ont travaillé sur le sujet.


Donnons un exemple :

Dans le film les raisons du départ de Capoue de Spartacus est le fait qu’une femme en soit partie, cela serait plus pour une histoire d’amour, or ce sont plus les idées de liberté que l’amour qui a fait naître cette rébellion.

Bien sûr, il y a beaucoup de vrai car tous les films qui racontent des faits « réels » sont calqués sur des écrits préalablement étudiés s’ils veulent faire un film à l’image du personnage historique bien entendu. C’est pourquoi les ambitions de Crassus sur le sénat sont bien intégrées dans le film.


Affiche de la série Spartacus


Bien des années plus tard, le sujet de la vie de Spartacus est dérivé en une série télévisée de 4 saisons, une série qui ne déçoit pas pour l’avoir regardé je peux vous la conseiller sans problème, la chronologie historique est assez bien respectée et le sens premier de sa quête est bien le même que celui du personnage historique. Bien entendue, la série est romancée, il le faut bien pour attirer les regards, mais cela peut aussi être vrai, comme nous l’avons dit personne n’exclut le fait que Spartacus était avec une femme à son arrivée à Capoue.


Scène finale de Canicius dans Série Spartacus, Saison 3, épisode final : https://www.youtube.com/watch?v=6qkdJCAlBjc


La littérature est également bien fournie en ce qui concerne cette épopée et la personne en elle-même, il y a même un livre fait pour les jeunes :

  • Claude Merle, Spartacus, Bayard Jeunesse, « Héros de légende », 2009.

Avec toutes ces déclinaisons différentes de sources sur Spartacus vous avez l’embarras du choix si vous voulez plus de détails sur tel ou tel point ou simplement pour passer un bon moment dans un bon bouquin ou devant la télé.


Sources :

  • E. Teyssier, Spartacus. Entre le mythe et l’histoire, ed Perrin, coll « Tempus », 2017, p 384.

  • C.Salles, Spartacus et la révolte des gladiateurs, ed Complexe, Bruxelle, 1990, P 212.

  • André Caron (1991), « Spartacus : La restauration / Spartacus, Stanley Kubrick, Etats – Unis, 1960, 196 minutes ». Séquences (153 – 154), 66 – 69.

  • Claude Aziza, « Spartacus : Premier bilan », L’Histoire, N°362, mars 2011.

1 Comment


Guest
Dec 16, 2021

Très cool, merci pour cet article ! 😁

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